Quand on aime, on ne compte pas… Athènes, 6ème

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Le marathon d’Athènes, sans doute une course à part pour beaucoup d’autres coureurs, pour moi en tout cas c’est LE marathon de référence.

Cette année, pour plein de raisons, ce marathon revêtait une importance toute particulière : deux ans que je n’avais plus couru cette distance sur un parcours officiel – c’était justement sur ce même tracé historique – et c’est peu dire que je restais sur un goût plutôt amer, après la déroute de 2019… Malgré une préparation sérieuse, sans problème, j’avais alors sabordé ma course avec mes erreurs habituelles, rythme et alimentation. Le chrono était sans appel, 4h33, mon pire temps à Athènes, et une fin de course interminable, à me demander comment j’allais relier l’arrivée. J’imaginais rebondir au suivant, mais vous connaissez la suite, annulation à Barcelone, annulation à Rhodes, annulation à Athènes, 2020 aura été une année blanche.

Bref, le marathon d’Athènes 2021, je le voyais comme un nouveau départ, histoire de fermer la parenthèse de cette période trouble liée au covid, et d’effacer ma triste performance d’il y a deux ans. Symboliquement, j’avais décidé de suivre exactement la même préparation que pour le marathon avorté de Barcelone : préparation toute simple en 9 semaines, sans gros volume kiliométrique, axée sur l’endurance. 4 entraînements par semaine, avec la plus grosse semaine à 60km, et la sortie la plus longue à 26km à J-17… Un peu léger me diraient mes amis coureurs qui en font tous beaucoup plus, mais ça me convient généralement assez bien.

Deux tests pendant cette préparation : le 20km de Symi dès la 1ère semaine, et un 10km officiel (Run Greece Rhodes) trois semaines avant le marathon.

A Symi, avec Iannis et Merkouris, nous ne sommes que trois à participer, en OFF cette année encore. Comme je sors d’un été très light au niveau de la course, je galère comme jamais sur ce parcours exceptionnel, et mesure tous les progrès à accomplir pour m’aligner sur le marathon. C’est néanmoins une très belle expérience, Michalis, le meilleur marathonien du Dodécanèse, est présent sur tout le parcours, en bénévole de luxe, à nous ravitailler en eau et nous encourager. Un sacré honneur qu’il nous fait !

A J-21, sur le 10 km, c’est tout autre chose : la préparation s’est passée comme prévu, pas de stress pour le chrono, la course va se dérouler exactement comme on l’avait programmée avec Apostolis, mon beau-frère et compagnon de route… temps final, 51’15, sans préparation spécifique, et même si c’est loin de mon record sur la distance, c’est conforme à mes prévisions.

Surtout, ça me donne les bases pour envisager ma course athénienne : pas question de renouveler l’erreur de 2019 (et de 2018, et 2017, et… 🙂 ), il s’agit d’évaluer mes possibilités du moment, et de me fixer enfin un rythme de course adapté. Après pas mal de réflexions, je me fixe comme objectif d’approcher mon temps de 2014, c’est mon record sur ce parcours (4h09). Je vais donc partir sur un rythme de 5’54 au kilomètre, le 54 résultant d’un calcul savant, et non d’un choix personnel 🙂

Me voilà donc à Marathon, ce dimanche matin, aux alentours de 7h, à patienter près de la ligne de départ. Ca faisait bien longtemps que j’attendais ce moment, et je savoure, déjà dans ma bulle. J’ai depuis hier rencontré beaucoup d’amis, William à l’expo-marathon (il va courir son 91ème marathon, déguisé en Astérix !), les amis Rhodiens que j’ai retrouvés à Syndagma, ou que je croise maintenant juste avant de rentrer dans mon block, le 6. Il y a bien sûr beaucoup moins de monde que par le passé, du fait des mesures sanitaires, c’est bien triste pour tous ceux qui n’ont pu s’inscrire, et l’ambiance est nettement moins festive.

Mais voilà enfin le coup de feu pour mon groupe, à 9h15. Départ prudent, sur un rythme de 6’15 sur le premier km, puis je vais me caler autour de 5’54. A cette allure, beaucoup me dépassent, et aux alentours du km4, j’entends un coureur qui me charrie gentiment en me doublant : « t’as toujours pas compris, et tu t’entêtes » me dit-il en grec, après avoir vu mon maillot du marathon de 2014… Il a raison quelque part, c’est une longue histoire avec ce marathon, avec des hauts et des bas. On échange une poignée de mains, et il repart, sur son rythme bien costaud. Pour moi, tout va bien, mais je me retrouve avec un petit souci imprévu au 1er ravito, au 5ème km. J’avais prévu d’avaler deux carrés de sucre tous les 5 bornes, juste avant les points de ravitaillement, et de boire une demi-bouteille d’eau en marchant, soit 250ml pour assurer une bonne concentration en glucose, et éviter les désagréments que j’ai pu rencontrer dans le passé. Mais voilà, en récupérant ma première bouteille, du côté de Timvos, elle me semble bien petite, ce n’est manifestement pas du 500ml… Mince, en plus je n’ai pas mes lunettes, impossible de rien déchiffrer sur l’étiquette 😦 Que faire ? Je ne vais pas y aller au pif, un dosage, pour moi, c’est sacré. Et me voilà en train de me poser la grosse question existentielle : 330ml, 250ml, il faut que je boive la bouteille entière à chaque ravito, ou les 3/4 ?

Et ça va durer 29 minutes, cette histoire, jusqu’au 10ème km, où je m’arrête à une table pour demander à la charmante bénévole quelle est la contenance de la bouteille qu’elle vient de me donner. Je vois bien à son air surpris que je suis sans doute le premier à le lui demander, mais elle me répond bien gentiment et me permet de repartir enfin rassuré sur la marche à suivre… A quoi ça tient quand même, tout ça !

De ce kilomètre 10, je repars gonflé à bloc, parce que en plus du précieux renseignement, j’ai la surprise d’entendre un spectateur crier mon nom. C’est Tsampikos, un ami franco-grec, qui assiste avec sa famille au passage du marathon à Nea Makri. L’an prochain, si tout va bien, il sera avec nous sur la route, je le lui souhaite en tout cas. Cette année sera sous le signe des surprises d’ailleurs, je vais retrouver régulièrement des connaissances au bord de la route : Iannis, un ultra-marathonien, au 20ème, Ritsa et Panagiotis de l’Euchidios 5 km plus loin, Vassilis et son fils au 32ème et le fidèle spartathlète Giorgos au 39ème, comme toujours ! Une aide inestimable, lors d’un effort si long et si solitaire !

Côté course, tout se déroule comme prévu. J’avais noté mes temps de passage prévisionnels sur un papier pour Christina qui m’attend à l’arrivée, je suis pile dans les temps, je dois même assez souvent me freiner pour ne pas aller trop vite. Je sais que c’est maintenant que je risque de me crâmer si je ne fais pas attention à mon rythme. 30′ au 5è, 59′ au 10è, 1h29 au 15è… Je passe au semi en 2h05, c’est mon temps le plus lent sur mes 6 participations, mais c’était ce que j’avais prévu. Surtout mes sensations sont totalement différentes par rapport à 2019, où je sentais dès la mi-course que j’aurais du mal. Aujourd’hui tout va bien, et je reste concentré sur mon allure. Elle va fléchir pendant la longue montée jusqu’au 31ème, normal, c’est la partie délicate du parcours.

Et puis, voilà, ce fameux 31ème km s’achève, et l’on bascule tous vers le centre d’Athènes. Je le sais, c’est une autre course qui commence, ou plutôt, comme on dit, c’est ici que le marathon commence vraiment. 11km pour atteindre l’arrivée, les plus faciles sur le papier puisqu’ils sont en descente, les plus difficiles en réalité parce que tu as la fatigue de l’échauffement que tu viens de réaliser… pendant déjà plus de trois heures pour les tortues comme moi ! Ben oui, les premiers sont déjà arrivés, douchés, récompensés… on est pourtant encore des milliers d’anonymes sur la route, chacun dans sa course, et c’est là que tout devient plus compliqué. Certains coureurs te doublent, d’autres s’arrêtent pour marcher ou pour se faire soigner par les bénévoles, et tu commences à perdre un peu le contrôle de la course : les douleurs un peu partout, la fatigue, tout un coktail de sensations qui commencent à faire germer les idées négatives. 6ème fois que j’emprunte cette descente, j’ai surtout en mémoire les deux dernières, où j’avais basculé vers le côté obscur, terminant sur un faux rythme, dans la douleur. Cette année, j’essaye de conserver un rythme plus ou moins régulier, et ça marche. Je garde mon objectif de ne marcher qu’au moment des ravitaillements, sur quelques dizaines de secondes, et atteint doucement la dernière petite montée du 39ème km. A partir de là, ce n’est plus que du bonheur, tu sais que tu vas y arriver, le chrono n’importe plus, les douleurs non plus. L’émotion qui monte en toi, incomparable, et cette entrée dans le stade, majestueuse. Pour la première fois, j’aperçois Christina et la famille dès mon entrée dans la dernière ligne droite, et sur cette belle image je franchis l’arrivée après 4h13’02 » de course. L’objectif chronométrique n’est pas atteint, peu importe, c’est la première fois que je termine ce marathon sans vraiment m’effondrer dans la dernière partie. En vérifiant mes temps officiels, mon deuxième semi est le plus rapide de mes six expériences athéniennes. Le split (la différence entre le 1er et le 2ème semi) est toujours positif (+2’14 »), mais rien à voir avec les marathons précédents. C’est d’ailleurs encourageant : j’ai encore des progrès à faire de ce côté-là, mais j’ai enfin réussi à inverser la spirale négative de mes derniers essais sur ce parcours.

La suite se déroule sur un petit nuage : des amis qui m’attendent à l’arrivée, la rencontre fortuite avec des coureurs que je n’avais pas revus depuis bien longtemps, et ces instants de bonheur dans le stade avec les miens, dans les tribunes de ce magnifique stade antique, avec l’Acropole qui se dévoile enfin… Je ne suis pas prêt d’entendre raison et d’arrêter de me mesurer à ce parcours historique !

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